Kosei, il est chiant. Il a des jours avec et des jours sans. Des jours où il pètera la forme, gigotera dans tous les sens, cherchera des mauvais coups mineurs pour provoquer son bracelet maudit en compagnie de son Insécateur. D'autres jours où il ruminera son sort, où il laissera ses jambes le traîner ça et là en sortant des pavés de dépressif. Un peu comme tout le monde en somme. Au fond, c'est un paumé. Un gosse dans un corps d'adulte. Il n'a pas réellement d'objectif, vis au jour le jour et ne pense jamais à son avenir. En même temps, quand on est un exécuteur, un toutou de la société, a-t-on réellement besoin d'en avoir un ? "Peut-on" en avoir un, tout simplement ? Réflexion bien trop complexe sur la vie. Autant prendre les choses telles qu'elles viennent ça évite d'être malheureux. Et extérioriser, toujours. Sa vieille le lui a toujours dit, et même si ça le conduit à exploser son niveau de criminalité au moins il ne devient pas cinglé.

Même s'il s'en plaint facilement, Kosei apprécie son travail. Il n'a pas cherché sa voie, étant le fils d'un riche PDG il n'a jamais imaginé pouvoir décider lui-même. Il peut foutre le bordel et laisser libre cours à son imagination, tant qu'il ne tire pas sur sa laisse. Ça convient à tout le monde, ainsi est la vie. Et puis le cadre dans lequel il évolue est quand même bien plus agréable qu'autre part. Car oui, il a songé à partir, mais l'extérieur est dégueulasse et ennuyeux. A quoi bon être libre si c'est pour tourner en rond ? Jouer au chat et à la souris est quand même plus stimulant. Et puis Ledger mérite un environnement sain. Son Salamèche aussi. Il faudrait lui trouver un nom aussi, quand il se déciderait à bouger son cul.

Quand il ne bosse pas, le jeune Iskander se promène. Il déambule dans les rues, profite des arbres, de la propreté. Et de temps en temps, il dépose un origami ça et là. Ça ne dure pas longtemps puisque ces putains de robots cubiques dénués de sens artistique avalent tout. Des points positifs, et des points négatifs. Il aime bien le sport aussi. Il court, il boxe. Faut rester en bon état physique pour courser les vilains. Il mange du saumon aussi. Pratiquement tout le temps. Son salaire le lui permet. Si un jour ce poisson disparaît des océans, ce sera de sa faute. Voila, c'est tout ce qu'il y a à dire sur lui. Enfin il pense. Faut dire que Kosei n'a pas une excellente mémoire, il oublie facilement le nom des gens, c'est bien connu. Du coup quand il fait des écarts, c'est son excuse auprès des inspecteurs.

Concrètement, on pourrait dire que l’exécuteur est proche de la dépression. Un jeune sans ambition, qui se fait chier en permanence, qui n'a jamais pensé à son futur … mais n'est-ce pas ce que la société produit de meilleur depuis des années ? Sa mère lui avait dit qu'Eternia le soignerait de ce mal, qu'il aurait un bon emploi, des amis fiables, "la vie qu'il méritait" … c'était donc ça, la vie qu'il méritait. Chasser ceux qui comme lui ont dévié à cause de la société. Ok, on signe où ?

Kosei, c'est une victime de la vie. Un enfant battu, à l'enfance douloureuse. Toute sa famille a été tuée par un assassin psychopathe, il a du se prostituer pour vivre, vendre un organe pour rejoindre l'île et personne ne l'aime. Même son Salamèche il le maltraite. Fin.

Non c'est des conneries. Le petit Iskander a eu une enfance dorée. Fils d'un PDG japonais et d'une écrivaine islandaise, il n'a jamais manqué de rien. Si ce n'est de stimulation. Aller à l'école de temps en temps, beaucoup jouer à la console, donner son avis sur les mangas que sa mère écrivait … c'est bien beau tout ça, mais on finit par s'ennuyer. Oui, Kosei avait des copains. Intéressés par sa tune et ses jeux vidéos plus que par lui-même, mais ça faisait toujours un peu d'ambiance à la maison. Quoi que de l'ambiance y en avait quand le vieux rentrait de ses "voyages d'affaires" : les bulletins étaient rarement bons car comme à la maison le petit brun s'ennuyait assis sur une chaise. Mais papa le businessman n'appréciait pas, et il n'hésitait pas à recadrer son môme. Alors que de son côté la maman calme et passionnée l'encourageait à faire de la musique, à écrire, à extérioriser la frustration ressentie par l'échec scolaire. Ouais, non, faut pas pousser. Il était limite, mais pas au niveau de "l'échec scolaire" non plus. Et puis la frustration … boh, Kosei s'en moquait d'être bon ou mauvais. Mais cette influence un peu trop "pacifiste" du sexe faible finit par lasser le vieux Kazutaka, qui commença à lever la main sur son épouse. Sans que son fils ne dise rien. Sans que son fils ne comprenne. Les bleus fréquents sur la peau porcelaine de sa tendre génitrice ne le fit percuter qu'à l'adolescence, et les réactions sans haine de celle-ci le poussa lui dans une colère des plus vives. Et malgré tout, il promit de ne pas toucher son vieux. Alors il fit ce qu'il avait toujours appris : il extériorisa. En commençant par cogner des camarades aux grandes gueules, puis en foutant le feu à des poubelles, des voitures … des immeubles ? Ne souhaitant pas voir son fils sombrer, l'Islandaise trouva finalement le courage de prononcer le divorce, et reçut une faible part du magot pour fermer sa gueule auprès des médias. Avec celle-ci, ils s'expatrièrent tout trois à Eterniacity, où ils refirent leur vie. Oui tout trois. La maman, le fiston, et l'Insecateur du fiston. Seul véritable ami de l'enfant, et ça lui allait parfaitement ainsi. Elle se remaria, et lui il s'éloigna.

La vie de jeune adulte, c'est pas évident quand au final on a rien dans les poches. Le fils à papa n'avait aucune influence ici, et ne savait rien faire d'autre de ses mains que cogner les innocents (ou pas). Un pyromane en puissance sans but dans une ville où l'on prône la gentillesse et le respect des autres, ça finit comment ? Ils lui ont greffé un bracelet. Moche comme pas deux. Kosei a lutté, mais il n'a pas eu le choix : c'était ça ou disparaître définitivement des yeux de sa mère. Il a râlé, mais il a enfilé le machin noir. Plus moyen de l'enlever maintenant. Un taux limite s'affichait régulièrement, jusqu'à ce qu'il attire l'attention d'un putain d'ordinateur. Une fois encore, un choix à faire : un destin tragique et une vie de traque, ou une vie de clébard fidèle et de chasseur ? Lui qui s'était toujours ennuyé et qui n'avait pas de but … choisit d'être tenu en laisse. Si on y réfléchit bien, c'était tout bénef : il restait à proximité de la seule personne nécessaire à son bien être, il mangeait bien, pouvait se balader dans une nature clairement pas dégueulasse contrairement à ce qu'il avait pu connaître avant, il pouvait se défouler sans risquer les problèmes. Parfait. Sauf qu'il ne pouvait pas shooter dans les robots cubiques de la ville qui lui sortaient par les yeux. Sérieux. On laisse des statues dégueulasses partout, mais ses origamis on les balaient comme si c'était des pollutions ? Rageant. Une prison dorée en quelque sorte, avec ses avantages et ses inconvénients. Comme un Gladiateur dans un Colisée. Sauf que là, personne ne l’acclame pour les crimes réalisés dans l'intérêt de tous.